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Actualité27 septembre 2021

Notre addiction aux agrocarburants bafoue les droits humains au Pérou

La Belgique importe des agrocarburants de 67 pays, sans que cela ne nuise aux populations des pays producteurs d’après nos autorités. Fruit de plusieurs mois de recherche dans le nord du Pérou, notre enquête prouve pourtant qu’ils causent pollution de l'air, accaparement de l’eau et des terres et violations des droits humains.

Les Belges consomment beaucoup d’agrocarburants. Notre consommation de cette essence fabriquée à partir de produits d’origine agricole mélangés aux carburants fossiles classiques est même en pleine expansion. De 9,5% aujourd’hui, la part d’agrocarburants à la pompe devrait progressivement atteindre 14% à l’horizon 2030.

Le mirage des agrocarburants

L’objectif affiché ? Contribuer à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, but ultime de l’Accord de Paris sur le climat. Pourtant, ce n’est ni bon pour l’environnement, ni bon pour les pays producteurs. Afin de le démontrer, nous sommes allés à la rencontre des habitant.e.s de la vallée de la Chira, dans le nord-ouest du Pérou, à qui on avait promis monts et merveilles. Les agrocarburants allaient générer des centaines d’emplois et moderniser l’agriculture locale, grâce à l’exploitation de milliers d’hectares de canne à sucre destinés au marchés belge et européen.

Notre enquête a pourtant révélé une image bien plus contrastée. Les autorités péruviennes ont accordé des licences d’exploitations à une multinationale américaine qui a exploité des terres jugées « inhabitées et improductives » par l’état péruvien. En réalité, ces terres composées de vastes forêts sèches étaient peuplées de communautés qui vivent d’une agriculture à petite échelle. La caroube, le maïs et la patate douce qu’elles y produisaient leur garantissaient une alimentation suffisante et un revenu régulier grâce à la vente de ces produits sur les marchés locaux.

Expulsions et promesses d'emplois illusoires

Du jour au lendemain, ces communautés se sont soudainement retrouvées sur la propriété privée d’une entreprise. Dépourvues de titres de propriété, des centaines de personnes ont été expulsées. Celles qui ont pu rester se sont vu interdire l’accès à des pans entiers de forêts qu’elles utilisaient pour faire paître leur bétail ou collecter du bois de chauffage. Cette pratique s’apparente à de l’accaparement de terres, considérée par la Cour Pénale Internationale comme un crime contre l'humanité. Quant aux promesses d’emploi, elles paraissent bien vaines au regard des 0,3% de la population active locale qui travaille sur les plantations de canne à sucre à l’heure actuelle.

Accaparement de l’eau et pollution de l’air

Mais rien ne semble perturber l’agrobusiness de la canne à sucre au Pérou. La demande européenne est telle que la production a doublé en l’espace de quelques années. D’après notre enquête, les autorités locales ont concédé 2,5 millions de mètres cubes d’eau à la multinationale pour irriguer 20.000 hectares de cultures. Et cela dans une forêt sèche, déjà soumise à un stress hydrique à cause du changement climatique. Conséquence : des milliers d’habitant.e.s de la région sont prié.e.s de s’accommoder d’une pénurie d’eau pendant les mois les plus secs de l’année, pourvu que les champs de cannes à sucre ne manquent pas d’eau !

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Pire, le brûlage des champs – une technique qui consiste à débarrasser la canne à sucre de son feuillage en allumant des feux contrôlés – pollue l’air dans des zones habitées. De nombreux résident.e.s disent souffrir de maladies pulmonaires depuis l’arrivée de la canne à sucre. « La cendre entre jusque dans nos maisons, même lorsque nous fermons les fenêtres », témoigne une habitante. « Tous les matins, la cour de l’école primaire du village est recouverte de cendres. Les enfants courent donc le risque de respirer un air vicié », nous confie-t-elle.

La Belgique doit cesser de pomper la planète avec ses agrocarburants

Notre enquête démontre plusieurs choses. Premièrement, on ne peut pas continuer à perturber des écosystèmes à l’autre bout du monde pour faire de l’Europe le premier continent « vert ». Deuxièmement, les agrocarburants peuvent être nocifs pour le climat. En effet, la production d’un seul litre d’agrocarburant nécessite 2.500 litres d’eau, une catastrophe écologique ! Et cela n’a aucun sens de raser des forêts pour produire du carburant, car cela ne fera que provoquer plus d’émissions de CO2 que les combustibles fossiles. Selon nous, il faut :

  • Retirer la culture de tous les agrocarburants terrestres, y compris ceux à base de canne à sucre, des objectifs européens d’ici à 2030 au plus tard.
  • S’assurer que les carburants produits hors de l’UE ne provoquent pas accaparement des terres et de l’eau, pollution et impacts sociaux. À l’heure actuelle, les états européens ignorent des problèmes majeurs que nous venons de démontrer.
  • Favoriser les énergies renouvelables comme les éoliennes.
  • Il faut absolument diminuer nos émissions de CO2 dans le transport en adaptant nos styles de vie: cela passe par la mobilité douce, limiter les voitures de société, les gros modèles de voitures qui consomment énormément ou encore en arrêter la vente de véhicules à énergie fossile.

Nous veillerons à poser ce rapport sur la table des ministres belges de l’environnement.

Le rapport est accessible au téléchargement ci-dessous.

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